Tambouille pour écrivain

Ma checklist avant de commencer un roman

Au mois d’août, comme ça faisait trèèèèès longtemps que je n’avais ni écrit, ni fini un manuscrit pour de vrai, je me suis dit que c’était maintenant ou jamais : je reprends l’écriture, j’écris comme je veux, une histoire aussi farfelue que je veux, mais surtout, je l’écris de A à Z et je la finis !

Bon, la bonne nouvelle, c’est que j’ai terminé la V1 hier. Ouép. C’est une histoire très courte de 130 pages.

Enfin bref, on s’en fout. Maintenant que cette courte histoire est terminée et que je suis contente, j’ai déjà envie de passer à la suivante. Mais pour celle-ci, j’ai eu envie de vous partager ma checklist, celle que j’utilise :

  • Soit avant de commencer un roman pour partir sur de bons rails bien solides.
  • Soit à la correction, une fois le premier jet terminé (que j’aurais écrit sans rail solide, à l’aveuglette en criant “GERONIMOOO!!”) (Ref à Doctor Who pour les vrais qui connaissent.)

La prémisse

Avant toute chose, les copains, il faut commencer par la prémisse. Certains préfèreront se concentrer sur les personnages, ou le world-building. Pour moi, ça sera : résumer mon histoire en une phrase.

Pourquoi? Parce que comme ça, je sais de quoi parle précisément mon histoire. Et ça peut paraître d’une affligeante banalité, mais c’est tout simplement essentiel. Et c’est surtout un exercice hyper difficile à réaliser. Et plus c’est difficile, plus tu vois à quel point c’est nécessaire.

Ton histoire avant de l’écrire, tu dois avoir la possibilité de la résumer en quelques mots. Sans détails, sans plot-twist. Juste une dizaine de mots qui parlent de l’élément principal.

  • Un homme se réveille d’un coma et découvre que les hommes se sont changés en zombie. (28 jours plus tard)
  • Un jeune homme essaie de cacher à sa mère que le mur de Berlin est tombé (Goodbye Lenin)

Tu vois le délire? Si tu veux plus de détails, j’ai un article dessus, il est là. Faut juste cliquer.

Les personnages

Une chose dont je me suis aperçue en écrivant Ernestine (c’est le nom du manuscrit que je viens de terminer) c’est que si certains personnages te viennent très naturellement, que tu les as cernés avant même de jeter les mots sur le papier, certains sont beaucoup plus délicats à aborder. Et travailler, au fil des pages, avec des personnages auxquels on ne comprend rien, ça donne des scènes bancales, des dialogues rédigés à la truelle et des réactions incohérentes.
Pour moi, travailler des personnages, c’est avant tout travailler des gens dans le contexte d’une histoire donnée.

C’est pour ça que je prends le temps de me poser les questions suivantes :

  • Quel est l’objectif de mon personnage?
  • Quelle motivation, consciente ou inconsciente se cache derrière cet objectif?
  • A quels enjeux mon personnage doit-il faire face?

Bon, là, j’évite de rédiger des dissertations entières à chaque question. L’idée c’est de pouvoir répondre en quelques mots. Plus c’est court, plus c’est clair pour toi, l’auteur, plus ça sera clair pour le lecteur.
Et au-delà de la construction du personnage, (sa personnalité, son physique, son histoire, etc.) j’essaie d’organiser une rencontre entre mon histoire et les gens qui sont dedans.
J’ai évidemment des fiches personnages, mais j’ai remarqué que je les utilisais assez peu. Une fois la fiche remplie, je ne la consulte plus jamais. Ce qui m’a fait me demander si j’en avais vraiment besoin.
La réponse est : ça dépend. Ça dépend du personnage, de ton histoire, etc. Certains personnages prennent leur indépendance très vite, d’autres ont besoin de plus de temps pour être apprivoisés. Et dans ce cas, le fait de prendre le temps de répondre à des questions sur eux peut s’avérer très utile.

L’arc dramatique

Encore une fois, j’évite de trop divaguer quand je crée un arc dramatique. Mais chaque personnage, selon moi doit en avoir un. Sans qu’il soit exceptionnel, mais que le lecteur puisse observer des changements, même au niveau des personnages secondaires.
Là, je me pose encore deux questions :

  • Quelle est la faille de mon personnage (de quoi a-t-il/elle souffert et qui le/la fait encore souffrir aujourd’hui) ?
  • Quels événéments vont-ils l’amener à changer?

Et là, tout pareil, je ne fais que noter des idées en vrac. Si j’ai pas d’idée, on s’en fout, on passe à autre chose.
Un arc dramatique, je préfère le construire au fil de l’eau. Mais je trouve ça important, avant de commencer à écrire de connaître la faille d’un personnage, et surtout de savoir de quoi il a besoin pour changer.

Sinon, je peux facilement me retrouver avec un personnage qui n’a pas de faille, donc pas réellement besoin de changer et qui n’évolue pas pendant le long du récit. Et donc un personnage nul.

La structure

Bon alors, là je fais un peu de promo : lire Save the cat de Blake Snyder a changé ma vie. Peut-être pas à ce point là, mais le gars a quand même réussi à découper les grandes coutures du scénario. C’est cette ossature que j’utilise pour prévoir mes romans.
Attention : je prévois. Et encore, je ne prévois pas tout. Et surtout pas en détails. Mais j’essaie de les noter, de les visualiser afin de savoir dans quelle direction je vais.
Voici les détails que je prends en compte :

  • L’image de début (les toutes premières lignes, la toute première scène. Je la veux frappante, brève, directive et qui présente autant de personnalisation possible pour mes protagonistes.)
  • L’élément déclencheur (bon, normalement, vous avez pas besoin d’un pitch là-dessus)
  • L’entrée dans l’acte II
  • Fun & Games : là, j’essaie de lister quelques idées, mais en général, ça me gonfle et j’utilise le joker : “On verra plus tard.”
  • Le pivot central : celui-là, par contre, j’essaie de l’avoir au plus vite et le plus clair possible. Il me paraît plus important que tout le reste. Celui qui lance les personnages et l’intrigue dans une nouvelle direction, qui fout bien la merde et qui crée du rebondissement.
  • La fin : si je ne connais pas la fin de mon histoire, au moins dans les grandes lignes, je ne peux pas l’écrire. C’est impossible. Il me faut une boussole qui pointe vers cette direction. Evidemment, je peux la modifier, changer d’avis en court de route. Mais j’ai besoin d’une piste d’atterrissage.

Après, si vous êtes un peu fifou, vous pouvez aussi faire un plan, chapitre par chapitre, même scène par scène. Moi, je ne le fais pas, mais je vais essayer de le faire pour mon prochain manuscrit. Ne serait-ce que pour voir si cette méthode peut me convenir. Je vous dirai !!

Le thème

Alors autant, j’aime bien écrire un peu à l’arrache, autant je n’improvise jamais mes thèmes. Jamais.
Je veux les connaître à l’avance. Evidemment, certains autres thèmes peuvent émerger au fil de l’histoire, mais j’ai besoin d’une idée centrale, quelque chose qui m’anime, qui me travaille véritablement.
Par exemple, mon roman Les Contours de la mélancolie, c’était un moyen pour moi de parler de dépression évidemment, mais surtout de me poser la question : a-t-on le droit d’aller mal?
Et pour aller à cette question, j’ai fait en sorte que chacun de mes personnages apportent une réponse différente à cette question. C’est ce que John Truby appelle “la variation du thème” : chaque personnage représente le thème central à sa manière. Et c’est aussi cela qui fait la richesse d’un récit, la rencontre de plusieurs points de vue qui peuvent autant s’accorder que s’opposer.

Alors voilà.

Maintenant que je vous ai fait ma checklist, je vais être obligée de me mettre au travail et appliquer mes propres conseils.

Et vous, c’est quoi votre checklist avant de commencer un manuscrit?

(12) Comments

  1. Merci pour cet article qui constitue un précieux résumé de conseils utiles pour chaque auteur. En ce qui me concerne, je n’ai pas de liste: écrire un roman constitue un tel travail que même la phase préparatoire ne se résume pas aisément à une liste de choses à faire, selon moi. Mais je comprends que ça fonctionne très bien pour d’autres auteurs.

    Je suis désarçonné par ton usage du mot “prémisse”: je ne l’avais jamais vu utilisé de cette manière, essentiellement pour dire “idée de départ”, à l’anglaise, si je comprends bien ?

    1. Lea Herbreteau says:

      Merci beaucoup !
      De mon côté, je suis sans voix devant ton pragmatisme et ton sens de l’organisation. Je pense que de faire ces courtes “checklist” m’aide à faire les choses une par une plutôt que de contempler la terrible vérité qui est : c’est un travail immense et interminable.

      Concernant la prémisse, c’est un terme impunément volé à John Truby dans “Anatomie du scénario” Je ne sais pas si le terme exact (tu noteras mon sérieux dans ma recherche de source)

      1. Oh, magnifique. Dans ce cas, je t’emprunte ce mot !

        1. Lea Herbreteau says:

          Avec plaisir !

  2. En général je suis organisée mais jusqu’à présent pour mes romans, je ne l’ai pas toujours bien été 😉 Ce qui m’a valu des mois et des mois de réécriture X(

    Pourtant avec Météorites j’avais fait les choses bien, une liste de personnages, un plan de scènes, etc. Mais je pense que j’avais encore un manque de maturité en écriture, une certaine incapacité à déterminer si une scène serait intéressante ou non. Je ne mettais pas assez d’enjeux.

    Pour me lancer dans le tome 2 j’ai aussi fait pas mal de préparation avec Truby. Je n’ai pas encore une liste de scènes détaillées mais j’ai la structure générale (enfin j’espère). Et je recycle une partie des personnages du tome 1 donc c’est toujours ça de pris. Mais je flippe un peu à l’idée de me lancer…

    En tout cas wow, bravo d’avoir déjà écrit une nouvelle histoire ! Tenter une histoire courte c’est vraiment mon prochain objectif, j’ai besoin d’avoir un sujet sur lequel je puisse me concentrer 6 mois plutôt que 4 ans.

    1. Lea Herbreteau says:

      Pour ta défense, c’est vraiment très très compliqué de trouver “la bonne organisation” quand il s’agit d’écrire un livre. Ça dépend du livre, de ta vie à un instant T, de tes objectifs, etc.

      Et oui, écrire des histoires courtes, ça me permet de garder le rythme et de m’enlever la pression. J’écris que pour moi, pour rigoler.

      Je suis sûre que tu vas bien gérer pour le tome 2!

  3. C’est dans ces moments que tu te rends compte qu’en fait tu n’es absolument pas organisé, mais alors sur aucun sujet….

    La partie où j’ai vraiment du mal c’est sur l’évolution des personnages. Pendant longtemps comme je ne voulais pas me pencher dessus mon texte c’était : et XxxX dit à YyY (oui, littéralement…).
    J’essaye de me soigner, ca va un peu mieux mais c’est vraiment un aspect où j’ai du mal.

    Mais je vais garder ce petit article dans un coin et suivre tes conseils pour le prochain tome histoire de pas passer 4 ans à l’écrire… ^^’

    1. Lea Herbreteau says:

      Alors, si je donne l’impression d’être organisée, sache que c’est un leurre, je ne le suis pas du tout ! ^^
      Je trouve également que c’est difficile de faire évoluer ses personnages, la seule façon que j’ai eue de traiter ce souci, c’était de vraiment les connaître par coeur pour bien comprendre dans quel sens ils doivent évoluer et à quel(s) moment(s) charnière(s) de l’histoire. Mais bon, je suis pas encore au top, là-dessus !

  4. Émilie Deseliène says:

    Meilleur article lu depuis LONGTEMPS / toujours sur le sujet. Clair, synthétique, réellement inspirant et pratique, basé sur ton expérience à toi. Je suis en ce moment en train de lire une reprise de Save the cat version romans, qui plus est. Bref tout cela sera sûrement très utile et, avant tout (encore une fois) très inspirant. Merci ! 😉

    1. Lea Herbreteau says:

      Merci beaucoup !!
      J’ai vu qu’il existait en effet une version Save the cat pour écrivain. Je vais sans doute la consulter pour voir ce que ça vaut.
      Bon courage à toi !

  5. Bonjour Léa, et merci pour l’article pétillant et les références pour les bouquins, je vais essayer de les dégoter, j’ai écrit que des nouvelles jusque là, et j’avoue que je planifie jamais rien, mais y’a sûrement une raison qui explique que j’ai jamais terminé un “fucking” roman 🙂 ! Désolée pour la vulgarité matinale, je te souhaite une belle journée et de l’inspiration pour ton futur manuscrit ! Sabrina.

    1. Lea Herbreteau says:

      Oh, pas de souci pour la vulgarité, je ne communique qu’avec des putains et des merdes 🙂
      Courage à toi !!!

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