Tambouille pour écrivain

L’introspection du personnage

Un petit article aujourd’hui pour discuter d’un thème indispensable en littérature : le monologue intérieur.

NB : le monologue intérieur est un terme de littérature bien précis que je ne maîtrise pas tout à fait. Je vais ici supersimplifier le truc à ma sauce. Donc désolée pour les puristes. Des câlins.

Ecrire pour un personnage de fiction complètement inventé, c’est un vrai putain de challenge. Il faut le connaître par cœur. Tu le sais, je le sais. Tout le monde le sait, merci.

Lors de mes premiers essais d’écriture, je me suis astreinte à décrire méticuleusement les réactions physiques de mon personnage. Et j’insiste sur ce point : exprimer l’émotion d’un personnage, ce n’est pas uniquement dire “Pascal était fâché.” En fait, c’est plutôt décrire la façon dont le corps réagit à cette émotion. Evidemment, cela donne plus de corps au personnage et au texte en lui-même.

Mais ce n’est pas tout.

Parler d’un personnage, c’est aussi mettre des mots sur son narrateur intérieur.

Il a été scientifiquement prouvé qu’on a tous un narrateur intérieur. Un petit bonhomme qui a grave la parlotte et qui veut jamais fermer sa gueule. Chez certains, c’est carrément pathologique et peut mener à de graves maladies mentales (mais comme je ne sais pas de quoi je parle, je vais m’arrêter là).

Bref.

Et c’est là qu’intervient la notion du monologue intérieur. Un monologue, c’est l’art de se parler tout seul, d’accord, mais cela peut aussi se rapprocher du flux de conscience. Quand ton personnage parle tout seul dans le livre, qu’il a des choses à se dire et à exprimer. Et pour que tu puisses l’écrire bien tout ça, il faut non seulement que tu connaisses ton personnage comme si tu étais à sa place, mais aussi que tu aies de bonnes notions de psychologie.

Je voudrais aller au-delà du terme de “narrateur” ou de “monologue intérieur”, et parler simplement de l’introspection.

Si ton personnage est déprimé et que tu te contentes d’expliquer qu’il a une boule dans la gorge, les larmes aux yeux, apathique sur son canapé, ton lecteur comprendra sans doute que ça va pas fort. Mais quant à expliquer le pourquoi? Pourquoi ton personnage est-il ainsi?
Il est possible de le montrer via des scènes, des dialogues, mais cela peut aussi se résumer en quelques phrases. Des phrases d’introspection.

L’introspection, c’est savoir exprimer ce que pense ton personnage.

Pouvoir tout dire

L’intérêt de ce type d’exercice, c’est de s’autoriser à tout dire. A priori, ton personnage a le droit de penser ce qu’il veut. Personne n’a accès à ses pensées à part toi. Pense au personnage de Dexter qui dans les moments où il nous partage ses pensées, montre au public et aux lecteurs qu’il a besoin de tuer. Que c’est physique, indispensable pour lui, alors qu’il sait que c’est mal.
Cette dualité, l’auteur l’exprime en le montrant, dans des scènes bien spécifiques, mais aussi en donnant accès aux pensées et aux réflexions de Dexter.
Et j’insiste sur ce point : ton personnage n’a pas à penser qu’à des jolies choses, ou à des choses consensuelles. Comme tout le monde, il est traversé par des idées horribles, voire morbides, et il est parfaitement en droit de l’exprimer.
C’est important parce que les autres personnages non plus n’ont pas accès à ces pensées. Et si certaines réactions peuvent paraître excessive aux yeux des autres, l’introspection, le monologue intérieur, permet au lecteur de bien comprendre.

Dire ce que le lecteur a besoin de savoir

Parfois, il est des informations que seul ton personnage principal connaît. Il ne veut pas les partager avec quiconque à part… avec le lecteur.
Ces moments de narrations intérieur, ce flux de pensées auquel le lecteur seul a accès permet de divulguer des informations importantes, ou de raconter certains souvenirs qui peuvent expliquer pourquoi ton personnage est comme il est.

Sans vouloir spoiler qui que ce soit, le livre de Gillian Flynn, Les Apparences, en est un très bon exemple. Le personnage principal, Nick, nous dévoile, petit à petit, au fil des pages, sa vraie personnalité parce qu’on a accès à ses pensées. Etrangement, il cherche aussi à se justifier de qui il est, et de pourquoi il agit comme il agit. Par ailleurs, c’est aussi le moment idéal pour l’auteur qui en profite pour balancer des grosses révélations. Des choses que le personnage savait depuis le début, mais le que le lecteur ignorait.

Le monologue intérieur veut donc servir d’outil narratif à l’intrigue en la nourrissant de révélations propres aux personnages.

Exprimer la façon dont ton personnage se voit

Et ça, mon petit préféré : la façon dont ton personnage se voit.
Je vais parler d’un de mes personnages ici. C’est une fille que je trouve tout simplement insupportable parce qu’elle est systématiquement sur la défensive. J’ai choisi de ne pas en faire une force chez elle. De type : forte émotionnellement et qui ne veut jamais lâcher son os. Non, elle est juste relou et elle s’énerve pour un oui ou pour un non, à tel point que les gens qui l’entourent ou mes relecteurs ont du mal à la cerner.
Mais dans les moments où je lui donne la parole, j’essaie de montrer à quel point elle se déteste. C’est une jeune fille qui se trouve moche, pas aimable (au sens premier du terme) et qui ne veut s’investir dans aucune relation de peur d’être rejetée.
Sans une certaine part d’introspection et de courts moments de monologue intérieur, elle apparaît simplement comme une petite conne caractérielle. Et ça, ce sont des éléments que mes lecteurs ont besoin d’avoir pour développer de l’empathie.

Parfois, exprimer les choses en les montrant plutôt qu’en les disant ne marche pas. Parfois, il faut donner une clé au lecteur : l’introspection.

Ecrire, c’est décortiquer des humains avant toute chose. Faire bouger leurs pensées, les faire évoluer et les offrir aux lecteurs pour qu’il puisse comprendre.

Et toi? Est-ce que tu donnes une place important aux monologues? Aux partages des pensées et aux non-dits?

(6) Comments

  1. Alors c’est marrant parce que je suis en train de traiter les retours de mes bêta-lecteurs et une des remarques qui revient c’est que je laisse beaucoup de place aux monologues de mon héros. Beaucoup trop en fait^^. J’ai écrit à la première personne, avec un personnage un peu cynique et surtout un peu dépressif, et ses états d’âme ont l’air d’agacer les lecteurs au bout d’un moment. Il va falloir que je retravaille ça… Merci pour cet article, ça va me donner des pistes pour y réfléchir !

  2. Elle m’intrigue, ce personnage 🙂
    Je ne m’étais pas trop posé la question de ce sujet, j’ai l’impression que mes personnages (les principaux en tout cas, ceux autour desquels la narration est centrée) sont assez transparents. En tout cas c’était le cas pour le héros de mon premier roman, ça le sera peut-être moins pour l’héroïne du suivant. J’aime bien l’idée de réfléchir à la façon dont elle se perçoit elle-même, et que ça ne soit pas forcément comme quelqu’un de génial. C’est un point qui apparaît dans mes fiches de personnage (“auto-perception”) mais je ne l’ai pas beaucoup développé jusqu’à présent
    Merci d’avoir partagé ces réflexions !

  3. Merci pour cet article, j’adore ton propos! Question: penses-tu qu’il peut y avoir trop d’introspection? Je suis justement en train de me demander si je ne vais pas soûler mes lecteurs à force de voir mon personnage principal se perdre dans ses angoisses 😅

    1. Lea Hendersen says:

      Eh bien, pour te répondre, je vais te parler d’une lecture que j’ai fait il y a quelques mois où le personnage interrompait tout le temps les dialogues et les scènes d’action pour partir hyper loin dans ses pensées et nous dire à quel point sa vie était dure et à quel point il souffrait. C’était vraiment lourd, ça ralentissait l’intrigue et c’était répétitif. (C’était pas un très bon livre, j’ai pas pu le finir.)
      Alors je pense que l’introspection est indispensable si ton personnage se perd beaucoup dans ses angoisses, ça me dérange pas, moi j’aime les personnages angoissés, et je me retrouve beaucoup en eux. Tu dois en avoir dans ton livre, sinon, certaines nuances échappent au lecteur. Mais c’est bien aussi de MONTRER quand le personnage est angoissé, au lieu de le dire via l’introspection. Après, si tes lecteurs sont soûlés, ils te le diront, et tu pourras le changer 🙂
      Je pense que c’est vraiment une question d’équilibre, un peu d’introspection et un peu de moment d’action. Mais sans connaître ton livre, je peux pas trop dire. Je suis sûre que tu t’en sors très bien et que si tu t’es égarée dans trop d’introspection, tu pourras rattraper le coup !

      1. Oulà, je comprends ce que tu veux dire par rapport au livre dont tu parles…Moi aussi ça me saoulerait à la longue! 😄 Je n’ai pas été si loin non plus, il y a des périodes d’introspection un peu plus longues, mais dans les dialogues j’ai essayé de limiter cela à une ou deux phrases. Pour donner accès à la pensée de mon personnage principal au moment même. D’autant que le roman est écrit à la première personne, donc c’était nécessaire…Mais comme tu dis, je verrai bien en phase de relecture, et avec mes bêtas…☺

  4. J’écris les pensées de mes personnages (en italique), mais je veille à ne pas trop en mettre non plus – il ne faut pas que ça phagocyte le récit.
    L’introspection peut aussi se faire dans la narration, d’un point de vue externe.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *