Tambouille pour écrivain

Dépression et écriture

On attaque un sujet qui met des paillettes dans le cœur, d’accord? Parlons dépression, et surtout, comment écrire un putain de bouquin quand on passe son temps dans son lit à se demander pourquoi la vie est aussi vide de sens.

Youpi.

Mon dernier article date de début septembre. Avant ça, j’avais publié un article en août. Mes publications se raréfiaient, et mon contenu, je trouve, perdait en qualité. Côté écriture, j’ai été incapable de poser des mots sur le papier, et quand j’y arrivais, c’était simplement pour me dire que tout ce que je produisait était la pire merde qui ait jamais existé.

Sans vouloir entrer dans les détails, depuis le mois de juin, je traverse un épisode dépressif.

Et si j’en parle aujourd’hui, et si j’en parle publiquement (et l’idée de mettre cet article en ligne me soulève un peu l’estomac) c’est parce que j’ai besoin de clarifier certaines choses. J’aime bien parler de moi, mais pas de ça. Non, j’aime pas parler de la dépression.

Etre en dépression, c’est nul

Etre en dépression, c’est nul, parce que ça ne vient pas comme un rhume. Un rhume, c’est : un matin, tu te lèves, tu as de la fièvre, ton nez est plein de morve et tu passes ton temps à te moucher.

Non, une dépression, ça s’installe chez toi avec lenteur. Avec délicatesse. Discrètement, de manière à ce que tu ne t’aperçoive même pas qu’elle est là. Tu commences par éprouver ces moments latents où l’anxiété te paralyse de plus en plus. Un nœud se forme dans le ventre. Puis, tu dors mal.

Et un jour, avant même de te lever le matin, tu te dis que tu préfèrerais te jeter par la fenêtre plutôt que de supporter une seconde de plus cette existence.

Etre en dépression, c’est compliqué

C’est compliqué parce que tu ne t’en rends compte qu’une fois que la maladie est là. Et quand elle est là, elle est bien là.
Elle a pris toute la place.
Dans ta tête, dans ton lit, dans tes vêtements, dans ton sommeil, et elle bouffe même les petites joies du quotidien. Et c’est compliqué parce qu’il y a toujours cette voix dans ta tête qui te dit :
Tu n’as AUCUNE raison de te sentir mal.
Bah oui, quoi. J’ai un toit, de la nourriture, un amoureux formidable. Ok, j’ai aussi un boulot mal payé que je déteste, mais c’est le lot commun de beaucoup de gens qui ne passent leur temps à se plaindre!

Alors, à la dépression vient s’ajouter sa meilleure amie qui est la culpabilité. On se sent coupable d’aller mal, de refuser de sortir ou de manger, de peser sur la personne avec qui on partage sa vie. On se sent coupable parce que tellement d’humains souffrent des conditions de vie terribles alors que je suis au chaud sous ma couette à attendre la mort.
Et c’est là que tout devient irrationnel. La dépression est profondément rationnelle et irrationnelle à la fois.
Elle est irrationnelle parce que c’est ton cerveau qui déconne, c’est lui qui commence à te raconter de la merde. Qui te brouille ta vision de toi, ta vision du monde. Qui te fait porter un voile gris sur le visage. Et le monde entier devient gris.
Mais elle est rationnelle parce qu’elle s’explique. Médicalement. Physiquement. Chimiquement. Psychologiquement.

Etre en dépression et écrire

Là, le bât blesse. Vraiment.
Toi aussi, tu écris par amour, par passion, par besoin. Dans l’espoir de devenir un auteur reconnu. Tu écris sinon ta vie n’a plus de sens. C’est un rappel à la réalité qui se fait par le détour de la fiction. C’est parfois le remède à tant de maux.
Mais quand tu fais une dépression, que tout est gris. Que tout est fade. Alors, tu n’arrives plus à écrire.
Moi, je n’arrivais plus à écrire.
Je ne pouvais plus écrire un mot sans sentir une bouffée d’anxiété m’exploser à la tronche. Je ne pouvais plus penser à mes histoires ou à mes personnages sans éprouver des relents d’angoisse et de culpabilité qui m’ont menée à réaliser (à tort) que je ne serai jamais l’écrivain que je veux être. Que je ne serai jamais auteur. Jamais assez bien, jamais assez forte. Jamais assez talentueuse. Tout ça, c’était balayé par la dépression.

Et alors? On fait comment?

Faire une dépression, c’est moche. Regarder la fumée de sa cigarette toute la journée pendant qu’on est dans son canapé avec une série en fond, c’est moche. Ne plus pouvoir faire ce qu’on aime, ne même plus être sûr que c’est ce qu’on aime, c’est vraiment très très moche.
Eh bien, c’est difficile, mais faut demander de l’aide. Faut appeler son docteur, son psy, ses parents, n’importe qui. Mais il faut le faire.
Et pour l’écriture, c’est pareil. Il faut le faire.
Il faut s’y remettre comme après s’être blessé. On reprend petit à petit. En douceur. Par des petits moments d’écriture, des moments où on laisse son esprit divaguer, retourner pas à pas vers l’imaginaire. Et le voile finira bien par se lever. La magie finit par opérer, les étincelles reviennent.

La créativité a cet particularité, et j’en suis intimement convaincue : elle ne meurt jamais. Elle s’affaisse, s’endort, mais elle est bien là. C’est un mécanisme imparable, un muscle qui n’appelle qu’à se développer. Si parfois elle manque à l’appel, c’est peut-être une question de rythme. De cycle.

Il retombera peut-être un jour sur mes yeux, ce voile gris. Là, je le sens qui s’éloigne. J’ai de nouveau envie d’écrire, de me lever le matin, de venir ici parler d’écriture.
Mais je garde un œil sur lui, sur cette maladie. Parce que comme la créativité, la dépression ne meurt jamais tout à fait.

(14) Comments

  1. Je me disais pas plus tard que ce matin que ton blog me manquait, en espérant que tu allais bien (d’ailleurs je vois que tu l’as tout transformé, ton blog, c’est chouette :)).
    Je connais mal le sujet moi-même mais j’en ai vu des exemples autour de moi, et je crois que la chose la plus difficile c’est bien de se libérer de cette culpabilité. Parce que de fait, c’est irrationnel, et tu n’y peux rien. Je ne sais pas si tu as vu le film “A Star Is Born” mais il évoque le sujet de l’alcoolisme et j’y vois un parallèle : comme la dépression, à un moment ça devient une maladie et il ne suffit pas d’un peu de bonne volonté pour s’en sortir.

    Je suis vraiment très heureuse de te voir revenir, que tu retrouves l’envie d’écrire et que les choses commencent à aller mieux. Merci d’avoir partagé cet article et d’avoir fait cet effort. En tout cas sache que, si tu as de nouveaux coups de mou à l’avenir, tu n’as pas à t’en vouloir et n’hésite pas à en parler aussi. J’ai vraiment hâte de lire tes fameuses histoires et je pense que tu as déjà toute une communauté de fans qui sont prêts à te soutenir ! Alors bon courage et très bonne écriture 🙂

  2. Quel courage de ta part d’écrire sur ce sujet. Je trouve très beau d’avoir cette lucidité sur soi-même et d’oser parler de la dépression, c’est un terme qu’on entend souvent mais combien prenne le temps d’y réfléchir et de réaliser l’impact que ça peut avoir sur une vie ?
    J’imagine que tu as réussi à demander de l’aide si tu nous reviens motivée à nouveau pour écrire, alors bravo et bonne continuation à toi, pour l’écriture et pour ton quotidien <3

  3. Merci pour cet article.
    Tes mots, très justes, ont résonné avec ma propre expérience.
    Je souffre d’anxiété chronique et je connais régulièrement des périodes d’abattement. La légende (enfin, ma mère quoi) dit que déjà à l’âge de 4 ans, j’ai lancé un “c’est pas beau la vie” pendant un trajet en voiture. C’était bien fun.
    Les bases étaient posées.

    En ce qui concerne l’écriture, ça reste un processus assez ambivalent. Cela peut avoir une fonction cathartique, on pose des mots sur des maux, on fait dire ou penser à nos personnages des choses que l’on n’oserait pas parler à notre entourage IRL.
    Et en même temps, c’est une activité très solitaire où le fait de se retrouver face à face avec soi même quand on ne se sent pas bien peut isoler et enfoncer encore plus. Surtout s’il y a blocage.
    Je n’ai pas de solution miracle mais je suis convaincue que l’humeur influence beaucoup nos écrits et que ce n’est pas tant l’assiduité mais la disponibilité psychique qui joue sur la créativité.
    Tout est question d’équilibre, il faut accepter les temps vides et savoir se préserver dans ces moments là.
    Tout mon soutien et bonne continuation.

  4. C’est sûr que ça bousille bien la productivité… Ca me gonfle, sérieux, mais de toute façon, obligée de faire avec alors…

  5. Ji Aʃka says:

    Merci pour ce témoignage.
    Ça ne meurt jamais vraiment, mais on peut réussir à l’empêcher de repousser.
    Courage !

  6. […] décourageant tout le temps, mais la véritable difficulté dans l’écriture, pour moi, ça reste l’anxiété. Parce que les mots qu’on pose pour le papier, on peut les changer s’ils ne sont pas […]

  7. Bonjour, tes articles et vidéos YouTube m’aident énormément dans ma démarche d’écriture. Et je me reconnais beaucoup dans cet article en particulier. Merci pour cette petite bulle d’air!

    1. Lea Hendersen says:

      Merci beaucoup !! 🙂

  8. […] m’a permi de dire des choses que je crevais d’envie de dire. Parce que ça parle de… dépression ! La dépression c’est chouette. Des fois, je crois que j’en suis sortie, et des fois, […]

  9. […] beaucoup écrit sur des sujets qui me tiennent à cœur, la motivation, la culpabilité, la dépression… Mais un sujet qui m’a longtemps tenu la jambe, c’est toujours le […]

  10. Astrid says:

    Bonjour,
    Merci pour le courage d’avoir écrit ces lignes.
    Comme une autre lectrice disait’ on parle beaucoup de la depression mais sens se rire compte ce que ça peut faire dans une vie’.
    Néanmoins je ne suis pas du tout d’accord avec ce que vous dites ‘ça ne meurt jamais, ça revient’. Ceci est l’une des vieilles idées qui persistent.
    Beaucoup d’études récentes démontrent une autre réalité. Mais bien sur, il faut de l’attention et du temps de bien se connaître, de vraiment respecter ses besoins. Et parfois il faut beaucoup de temps pour vraiment se remettre de blessures. Mais, il y a plein de méthodes pour arriver à un équilibre émotionnel qui perdure, un vrai épanouissement. Des psys peuvent aider, mais aussi des philosophes, profs de Yoga, nzturopathes, energeticiens etc.
    Et puis, chaque sentiment a une utilité.peut-être il alerte sur un mal-être qu’on a essayé de supprimer. Pas besoin d’essayer de le rationnaliser.
    Puis, si vous n’aimez pas votre job ou trouvez que vous n’êtes pas assez payé, faites autre chose- peut-être ça sera juste pendant quelque temps, puis vous retrouvez goût. Peut-être vois le faites en parallèle de votre activité principale, peut-être ça vous donne d’autres idées, vous permet de rencontrer d’autres gens etc etc.
    La aussi, très souvent nous savons très bien ce que nous cherchons vraiment, ce qui nous passionne- parfois nous avons juste besoin de pouvoir l’essayer sans nous mettre la pression.

    1. Lea Herbreteau says:

      Bonjour 🙂
      Cet article date déjà d’il y a deux ans. Et en effet, depuis j’ai changé d’avis sur le sujet.
      Je ne peux parler que de mon point de vue et de mon expérience. J’ai traversé des périodes un peu difficiles et sombres, mais j’ai l’impression qu’aujourd’hui, je suis en effet sur la bonne voie. Je ne sais pas s’il est possible de guérir de la dépression, je ne suis pas médecin, mais j’ai décidé un beau jour de me mettre au sport sérieusement. Et ça m’a aidée. J’ai commencé à accepter d’autres idées aussi, comme le fait que tout n’est pas noir, que c’est aussi une question de perspective. Et qu’il faut aussi apprendre à relativiser.
      Aujourd’hui, ça va ! Il m’arrive d’être triste, mais c’est normal. Je ne donnerai jamais de conseils de “comment se sortir de la dépression” à qui que ce soit, parce que chacun trouvera sa manière d’aller mieux. Et j’ai trouvé la mienne.
      Donc, merci pour ce commentaire (et cette petite remise en question ^^)

  11. David Szapiro says:

    Chere Lea, desole pour les accents, toi qui aime l’Ecrit, cela doit avoir son petit cote desuet et en meme temps attachant, mais j’ecris ou tente d’ecrire sur un foutu clavier anglo-saxon, eh oui, je vis en perfide Albion, la vraie, celle qu’on appelle Alba, si j’ai bien compris, nous sommes effectivement en Ecosse!
    Meme en Ecosse, ton blog dont je viens de realiser l’anciennete toute relative me touche. C’est sans doute pour cela que j’ai pense qu’il venait d’etre ecrit …….pour moi, a ce moment precis ou (toujours pas d’accent!) je crois passer par les memes difficultes que toi, tant sur le plan Psy (ou disons de la Psyche pour faire serieux) que sur celui de l’imaginaire et de la creativite, surtout par l’Ecrit tout comme toi. Des 9 Muses, je n’ai garde que la forme ecrite, et encore meme pas la poetique!
    Quand je me suis senti engloutir, impuissant, dans ce gouffre sans fin que tu decris si bien, j’ai d’abord essaye tout naturellement (euh c’est facile a dire) d’ecrire aux fantomes qui m’assayaient et qui me causaient tant de souffrance. Au fond, l’anxiete, la peur de ne pas etre assez ci ou ca (pas de cedilles non plus sur ces maudits claviers, bigre!), la peur de se sentir isole des autres, amis, parents, conjoints et meme ses propres enfants, sont une souffrance sans nom. Avant d’aller plus loin, j’aimerais savoir si ce blog est toujours actif et si tu le lis encore pour repondre a tes lecteurs egares. Bien a toi si tu ne reponds pas, c’est que ta vie a pris un autre tournant, mais je crois qu’en ayant traverse ce que tu decris, l’envie d’aider et de comprendre par les autres ce qui a pu t’arriver pourraient encore t’animer.

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